Force est de constater que de nombreuses personnes qui s’intéressent à l’astrologie ou autres disciplines que l’on pourrait désigner comme « ésotériques » ont des points de vue bien curieux quant à la justice sociale.
Je ne sais pas si « ésotérique » est adapté pour parler d’astrologie puisque voici la définition que fait Wikipédia de l’ésotérisme :
L’ésotérisme (du grec ancien esôteros, « intérieur ») est l’ensemble des enseignements secrets réservés à des initiés. Ce terme, dont le sens diffère de façon notable selon les époques et les auteurs, est parfois utilisé dans la culture populaire pour parler de courants de pensée marginaux à composante secrète ou étrange à dimension spirituelle (sociétés secrètes, occultisme, paranormal, etc.).
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89sot%C3%A9risme
Je considère qu’aujourd’hui, l’enseignement de l’astrologie n’a rien de secret — et tant mieux ! N’importe qui avec un accès internet peut se renseigner plutôt aisément sur les principes de base de l’astrologie. Le savoir est plutôt accessible, en rien réservé à des initié·e·s. On pourrait bien entendu améliorer l’accessibilité du savoir ; par exemple, rares sont les vidéos sur l’astrologie qui sont sous-titrées… Cependant, il est vrai qu’à ses débuts, l’astrologie rentrait davantage dans ces critères. Par ailleurs, si l’on définit l’ésotérisme comme « Ces trucs hippies-New Age bizarres que la plupart de la société évite et ridiculise souvent », l’astrologie rentre dedans, n’est-ce pas ?
Mais revenons au sujet principal de cet article.
Dépolitisation par l’astrologie
La dépolitisation du quotidien par l’astrologie : c’est un phénomène que je trouve particulièrement exaspérant. Il s’agit de cette tendance chez certaines personnes à justifier, de manière fataliste, absolument tout par des énergies célestes.
Par exemple, les gens qui manifestent actuellement seraient « pas contents et très énervés » à cause de la pleine Lune et non à cause du racisme, bah voyons. Alors, non, les personnes qui manifestent sont en révolte parce que leurs droits ne sont pas respectés, et réduire cela à une agitation émotionnelle dûe à la Lune me paraît incroyablement déplacé.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de discours qui ôte toute agentivité à des personnes en lutte, et qui encourage à l’inertie politique, ce à quoi je m’oppose farouchement. Je ne compte pas attendre la prochaine conjonction Uranus-Pluton pour exiger des droits sociaux, merci bien !
Politiser nos pratiques
Libre à vous de considérer que les astrologues se doivent d’être apolitiques. Nous serons en désaccord, et tant pis. Je considère que mon rôle en tant qu’astrologue n’est pas de rester neutre quant aux souffrances de mes pairs, mais au contraire de les soutenir dans la mesure de mes moyens. Je considère que ne pas réagir face à des injustices fait de nous des complices ; on peut préférer ne pas présenter ses convictions politiques au premier plan en tant qu’astrologue par principe, mais je pense aussi que se présenter comme « neutre » n’a rien de neutre vu le contexte actuel. Beaucoup de personnes n’ont pas le privilège d’être « neutres ».
Dans mon entourage astrologique, j’ai vu depuis des mois et particulièrement ces dernières semaines du soutien vocal et concret aux communautés en souffrance.
Beaucoup d’astrologues ont pris la parole contre le sexisme et la transphobie ancrées dans les doctrines et la communauté astrologiques, appelant à questionner nos conditionnements pour une astrologie qui reflète davantage la diversité de l’expérience humaine quant au genre et à la sexualité, et qui fait justice aux communautés LGBTIQ+.
J’ai vu différentes personnes refuser de cautionner des commentaires validistes concernant des placements astrologiques, soulignant qu’un signe du zodiaque n’était pas un diagnostic médical et qu’il était dangereux d’encourager ce type de raisonnement.
Récemment, il y a eu un mouvement appelé #SpiritualSolidarity (Solidarité Spirituelle), lancé par Six BlackWomenCry pour récolter de l’argent à reverser à Black Lives Matter. Des astrologues ou autres professionnel·le·s (tarot, …) ont proposé des mini-consultations en échange de dons à des cagnottes (parmi elleux, Deon Mitchell, Alexis Duong, Avatar Denisse, Jo Gleason, entre autres !).
De nombreux·ses astrologues ont mis en place des tarifs solidaires pour que des personnes précaires puissent bénéficier de leurs services. Par exemple, Astrospection (qui revendique un usage de l’astrologie s’articulant avec le féminisme, les politiques queers et une approche décoloniale) réserve une place gratuite dans chacun de ses ateliers d’apprentissage de l’astrologie.
Ce ne sont que quelques exemples parmi un vaste éventail de possibilités. Il est tout à fait possible de politiser nos pratiques et d’utiliser notre savoir-faire astrologique pour soutenir les personnes marginalisées. C’est un choix que nous pouvons faire. C’est un choix que beaucoup d’astrologues font actuellement. Je vous y encourage de tout coeur. Ne laissons pas l’astrologie être utilisée pour dépolitiser nos quotidiens.
« J’ai vu différentes personnes refuser de cautionner des commentaires validistes concernant des placements astrologiques, soulignant qu’un signe du zodiaque n’était pas un diagnostic médical et qu’il était dangereux d’encourager ce type de raisonnement. »
Bonjour Azur, merci pour cet article. Je suis très intéréssé-e par ces critiques si tu as des ressources ou des liens à partager là-dessus.
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Bonjour Malo,
Merci pour ton retour !
L’article a paru il y a un moment, lorsque le sujet avait été discuté sur Twitter dans la sphère astro anglophone, donc je n’ai plus tous les détails en tête, et la plupart étaient plutôt des tweets que des articles ou des ressources plus approfondies. Par ailleurs, c’est tout en anglais du coup.
Je me rappelle qu’Adina Hertzel par exemple avait abordé le sujet sur Twitter, et généralement je trouve ce qu’elle partage intéressant et pertinent. Voici son site web : https://adinahertzel.space/, et sur Twitter/Instagram/TikTok elle est @adinarising.
Plus généralement au sujet de l’intersection (anti)validisme et astrologie, je recommanderais le travail de E. T. Shipley : https://etshipley.com/
Sa conférence au sujet du handicap à travers les différentes maisons astrologiques était vraiment intéressante. Je n’ai pas encore écouté l’épisode de The Strology Show dans lequel elle intervient mais c’est dans ma liste « À écouter », ça parle des maisons 6 et 12 qui sont en lien avec la santé : https://thestrologyshow.captivate.fm/episode/the-6th-12th-houses
Alyssia Osorio a pas mal travaillé sur la maison 6 aussi, notamment comme lieu où peuvent se construire des liens de solidarité pour résister à des rapports de force, ça peut être intéressant à explorer dans le cadre de recherches sur le validisme. Je n’ai pas retrouvé grand-chose à ce sujet, il me semble que c’était une conférence dans le cadre d’un summit de Fresh Voices in Astrology, mais le site a fermé depuis. Alyssia parle de la conférence dans ce podcast : https://podcasts.apple.com/us/podcast/ep-podcast-112-w-special-guest-alyssia-osorio-levity/id1372938993?i=1000515794707&l=it
Sinon, je pense qu’en faisant une recherche par mots-clés avec son @ (@praxisastrology) sur Twitter peut-être que des résultats intéressants ressortiront.
Ce que je dirais à titre personnel sur le sujet est qu’il me semble sage d’éviter des réponses rapides à des questions extrêmement complexes ; ici, par exemple « Qu’est-ce qui indique x diagnostic dans le thème natal ? ». Il faudrait se demander : de quel type de diagnostic s’agit-il, est-ce un diagnostic qui tient la route tout d’abord en tant que concept, par qui a-t-il été posé, répond-il à un besoin, quel(s) but(s) sert-il, quelles conséquences pour la vie de la personne, … Il y a tant de paramètres à considérer, et prendre en compte tout cela avec nuance nécessite des connaissances de ce qu’est le validisme, l’errance diagnostique, la différence entre modèle social et médical du handicap, les oppressions spécifiques à la psychiatrisation s’il s’agit d’un diag psy, etc etc.
Pour prendre un exemple concret : je ne m’attendrais pas à voir les mêmes évènements astrologiques (ou même placements au natal) pour quelqu’un qui reçoit un diagnostic erroné à l’adolescence qui résulte en des abus familiaux et institutionnels prolongés, vs quelqu’un qui reçoit le même diagnostic après une longue errance diagnostique, résultant en un immense soulagement, une meilleure compréhension de soi et des pistes de soin appropriées. Ce sont deux exemples spécifiques mais il y a tant de cas de figures différents possibles. Le sujet me semble bien trop vaste pour être abordé à la légère par des astrologues (ou amateur·es d’astrologie) qui n’ont pas d’expérience (empirique et théorique) de ce genre de problématiques, et qui risquent d’entériner des concepts nocifs pour des personnes vulnérables.
In fine, ce qui est CERTAIN c’est qu’on ne peut pas résumer un ensemble d’expériences et de concepts très denses rattaché à un diagnostic à un (1) signe du zodiaque. Les signes sont une composante dans le système astrologique qui est bien, bien plus complexe, et je trouverais donc particulièrement vaseux éthiquement de traiter des sujets de santé à la va-vite avec des généralités de ce type. D’ailleurs dans une certaine mesure, je pense qu’on peut élargir cette critique à tout sujet qui se prétend sérieusement traité avec de la signologie. Réduire l’astrologie aux signes du zodiaque me semble une aberration (de plus en plus au fur et à mesure que j’étudie davantage l’astrologie et ses différentes formes), je comprends aisément que les débutant·es commencent par s’intéresser aux signes (c’est moi-même ce que j’ai fait d’ailleurs, comme tout le monde je pense !), mais il est primordial de dépasser ce stade et approfondir pour une variété de raisons (la principale étant une raison éthique).
J’ai l’impression de pas être super clair·e dans mes explications, je suis désolé·e si ça part un peu dans tous les sens… ! 😀
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