J’utilise dans cet article le terme de « dignité », vous rencontrerez aussi celui de « maîtrise » dans le vocabulaire astrologique ; ce sont des synonymes. Les deux termes désignent un ensemble de grilles de lecture que je trouve utile pour étudier un thème, et cet article a pour but d’introduire à ces notions.
De quoi parle-t-on quand on évoque les dignités planétaires ? Il s’agit d’un ensemble de grilles de lecture pour évaluer la condition d’une planète dans un thème. On examine le placement en signe et en maison de la planète : est-ce qu’elle y est à l’aise ? Est-ce qu’elle est dans un environnement familier, avec ses outils de prédilection ? Ou est-ce qu’elle est en environnement hostile ou inhospitalier ? Est-elle valorisée, encouragée, ou croule-t-elle sous le taf sans reconnaissance ?
Bien sûr, on va également utiliser les aspects pour déterminer cela, la condition d’une planète ne dépend pas que de son placement en signe et en maison ; mais ce sont des facteurs importants.
Il y a un certain nombre de dignités (signe, termes, décans, angularité…), trop pour toutes les aborder dans un seul article. Je fais donc le choix de me concentrer sur les dignités par signe du zodiaque dans cet article. Cela fait partie de ce qu’on appelle les dignités essentielles, par contraste aux dignités dites accidentelles (dignités par placement en maisons).
Nota bene : dans cet article, je formule certaines explications en personnifiant les planètes. L’idée n’est pas de faire un amalgame entre une personne donnée et une planète dans son thème natal. La personnification est un outil pour mieux appréhender les sphères, mais il me semble important de garder en tête qu’il est impossible de « cerner » totalement les planètes. Par ailleurs, je ne suis pas de l’avis que toutes les planètes d’un thème natal représente forcément l’individu. Autrement dit, ce n’est pas parce que quelqu’un a natalement un placement de Mars en Bélier que la personne est Mars en Bélier !
Domicile et exil
Toutes les planètes du septénaire (les sept planètes visibles à l’oeil nu) ont au moins un signe qui est leur domicile, et au moins un signe qui est leur exil.
Une planète en domicile est, comme son nom l’indique, chez elle : avec ses habitudes, ses routines, tout le matériel nécessaire pour faire son travail et s’exprimer comme elle le souhaite. Elle ne dépend pas d’une autre planète, elle est autonome. Le Soleil est en domicile en Lion, la Lune en Cancer, Mercure en Gémeaux et Vierge, Vénus en Taureau et Balance, Mars en Bélier et Scorpion, Jupiter en Sagittaire et Poissons, Saturne en Capricorne et Verseau.
Une planète en exil (aussi appelé détriment ou antithèse) est à l’opposé de son domicile. Elle est donc hors de sa zone de confort, dans un endroit inhospitalier. Elle est plus fatiguée, stressée, et la manière dont elle peut exécuter ses responsabilités peut en pâtir d’une manière ou d’une autre. Elle dépend de son hôte et connaît des restrictions car les codes et habitudes de son hôte sont à l’opposé des siennes. Elle a des réflexes à contre-courant de ce que son environnement exige. Elle ne reçoit pas une reconnaissance à la hauteur de son travail ou de ses qualités, elle est dévalorisée. Le Soleil est en exil en Verseau, la Lune en Capricorne, Mercure en Sagittaire et Poissons, Vénus en Scorpion et Bélier, Mars en Balance et Taureau, Jupiter en Gémeaux et Vierge, Saturne en Cancer et Lion.
Il me semble important de préciser à ce stade qu’avoir une planète exilée dans son thème natal ne signifie pas que cette planète n’indique rien de bon, d’intéressant, de constructif ou même de subjectivement agréable. Si l’on se laisse aller à une vision manichéenne des dignités, on passe à côté de nombreuses nuances. Et comme je le soulignais plus haut, une planète ne représente pas systématiquement la personne dont c’est le thème natal : le fait qu’une planète soit en difficulté ne signifie pas forcément que la personne est en difficulté de la même manière en général, ce serait un raccourci bancal (a minima incomplet) que de dire cela. Mais on peut observer quel est le rôle de la planète dans le thème, les différents éléments de la vie que cela peut indiquer, et se demander quelles difficultés, quels défis représente la condition d’exil d’une planète.

Prenons un exemple pour illustrer ce propos. Marilyn Monroe, actrice, mannequin et chanteuse célèbre, est considérée comme une icône de beauté, de charisme et de sex-appeal. Son influence en termes d’esthétique a été incroyablement durable jusqu’ici (très flagrante chez Madonna par exemple !), et est toujours bien présente en 2021 : je pense par exemple au photoshoot de Billie Eilish dans Vogue. Marilyn Monroe est cependant née avec Vénus en Bélier ! Et ce n’est pas la seule personne dont la beauté et le charisme sont vantés qui une Vénus natale en exil. C’est aussi le cas de Rihanna, Winona Ryder, Audrey Hepburn, Kit Harington, Hugh Jackman, Jessica Chastain, Ezra Miller, Denzel Washington, Keira Knightley, Paul Rudd, Robert Downey Jr., Brie Larson, Tom Welling, Emilia Clarke, David Boreanaz, Aisha Tyler, Freida Pinto, Zac Efron, Sydney Sweeney, Nina Hartley, et bien d’autres. Dans certains cas (notamment celui de Monroe), Vénus a une dignité décanique, mais pas systématiquement.
Vénus en Bélier gouverne le Milieu du Ciel chez Marilyn Monroe : l’image publique, la réputation, la visibilité. L’éminence ou la célébrité n’est pas forcément vécue de manière paisible. Être vue comme un sex-symbol est à n’en pas douter à double tranchant. On pourrait d’ailleurs se demander dans quelle mesure les Vénus exilées reflètent souvent des difficultés liées à l’hypersexualisation et la violence que cela peut représenter pour la personne objectifiée — mais c’est un sujet vaste en soi, trop pour en traiter avec toute la nuance nécessaire dans cet article ! Cependant, si vous souhaitez creuser le sujet des normes de beauté misogynes, je peux vivement recommander la lecture de Beauté fatale de Mona Chollet.
Exaltation et chute
Les planètes ont aussi un signe où elles sont exaltées, et un autre où elles sont en chute.
Une planète exaltée est élevée, soutenue, mise à l’honneur. On peut imaginer qu’elle est l’invitée d’honneur d’un·e ami·e proche, qui l’accueille en étant aux petits soins, qui a préparé des outils de luxe pour que la planète puisse accomplir ses tâches. La planète est encouragée, dans un environnement stabilisant et stimulant où elle peut donner le meilleur d’elle-même. Elle dépend d’un·e hôte qui lui est favorable, elle est boostée. Le Soleil est exalté en Bélier, la Lune en Taureau, Mercure en Vierge, Vénus en Poissons, Mars en Capricorne, Jupiter en Cancer, Saturne en Balance.
Une précision particulièrement cruciale vis-à-vis de l’exaltation est qu’une planète exaltée n’est considérée comme vraiment à l’aise et en très bonne condition que si son hôte se porte bien aussi. Si la planète dirigeante du signe est très mal en point, la planète exaltée en pâtit aussi. L’astrologue Joy Usher donne comme exemple Jupiter en Cancer qui dépend d’une Lune en Scorpion (soit Jupiter exalté mais dépendant d’une Lune en chute), avec la métaphore d’un·e invité·e d’honneur (Jupiter en Cancer) dans une maison de voleur·euses : la réputation de Jupiter souffrirait par association.
Mon estimée collègue Kira Ryberg s’est exprimée ainsi sur les exaltations (traduction mienne) :
Le Soleil est exalté en Bélier car cela demande du courage de diriger ; la Lune est exaltée en Taureau car notre expérience incarnée bénéficie de la stimulation sensorielle ; Mercure est exaltée en Vierge car notre attention intentionnelle aux détails améliore notre communication ; Mars est exaltée en Capricorne car le pouvoir pour nécessite d’être contenu pour être utilisé de façon appropriée ; Vénus est exaltée en Poissons car nos relations fleurissent lorsque nous nous autorisons à être ouvert·es et vulnérables ; Jupiter est exaltée en Cancer car la nourriture, le confort et la sécurité sont de vraies formes d’abondance ; Saturne est exaltée en Balance car les relations bénéficient de limites saines.
Une planète en chute (aussi appelée dépression) est particulièrement en difficulté. Là où une planète exilée pourrait être décrite comme carencée, une planète en chute oscille entre les extrêmes. Ce n’est pas un problème de conscience des besoins mais d’intensité dans la manière de s’en occuper.
Comme pour les domiciles et exils, l’exaltation et la chute d’une planète s’opposent sur un axe. Ainsi, le Soleil chute en Balance, la Lune en Scorpion, Mercure en Poissons, Vénus en Vierge, Mars en Cancer, Jupiter en Capricorne, Saturne en Bélier.
Comme pour l’exil, il ne faut pas s’imaginer qu’une planète en chute soit incapable d’illustrer des capacités intéressantes. Par exemple, les talents indiqués par Mercure en Poissons ne sont peut-être pas les plus valorisés ou les plus faciles à déployer, mais il n’empêche que faire un raccourci « Mercure en chute = mauvais placement de Mercure natal » me semble aberrant. Pour les fonctions spécifiques à Mercure (communication, commerce, transactions, messages, rapidité et efficacité dans les détails, agilité, entre autres), évoluer dans l’environnement jupitérien de Poissons représente des défis. Pour autant, on pourrait citer de nombreux·ses écrivain·es, poéte·sses, astronomes, mathématicien·nes et érudit·es ayant Mercure en Poissons, par exemple Maya Angelou, Galilée, Copernic, Jules Antoine Lissajous…
Comment interpréter les dignités des planètes ?
Considérer que « planète dignifiée = bien », « planète en difficulté = pas bien » est un raccourci courant mais pas forcément pertinent. Tout d’abord, il me semble que le contexte est crucial ! S’agit-il du thème d’un évènement mondial, du thème natal d’un individu, d’un thème horaire dont le but est de répondre à une question précise, d’une élection pour partir en voyage, d’une élection talismanique ? L’astrologie n’est pas un monolithe, il existe de nombreuses branches, et certaines considérations techniques sont pertinentes dans certaines et nettement moins dans d’autres.
D’autre part, tou·tes les astrologues ne sont pas forcément d’accord même au sein d’une seule branche (par exemple l’astrologie natale), et je pense que les facteurs culturels et philosophiques sont importants pour comprendre cela. On n’aura pas la même évaluation d’un thème selon les valeurs que l’on porte. Par exemple, on peut supposer que si l’on considère que l’exploitation de l’humanité et de l’environnement pour l’enrichissement d’une minorité est acceptable, on n’aura pas le même regard sur des planètes exilées que si l’on cherche à faire évoluer le monde pour qu’il soit plus juste et guidé par le respect et la compassion pour chacun·e. Il me semble évident que l’éthique des astrologues informent leur approche des doctrines.
Ma collègue Alexandra Le Meur me disait il y a quelque temps qu’elle considérait les dignités natalement plutôt en termes d’expression classiques, plus ou moins traditionnelles, inattendues, marginales. Cela me rappelle ce que disait Austin Coppock sur Vénus en Scorpion (en exil, donc) : « classique goth couture ». Dans l’article sur les transits de septembre 2021, je décrivais Vénus en Scorpion en soulignant qu’elle ne recule pas devant le macabre, ce qui pourrait être considéré effrayant ou grotesque, mais peut y trouver une beauté cachée. Ce n’est pas une esthétique qui met tout le monde d’accord (ou qui cherche à mettre tout le monde d’accord !), qui est apaisante ou calmante.

Pour autant, est-ce une « mauvaise » esthétique ? Ça dépend des goûts, tout simplement. Poser un jugement moral dessus me paraîtrait complètement déplacé. On peut en revanche souligner que sortir des codes considérés comme « convenables » par les normes en vigueur peut représenter des difficultés au quotidien. Et c’est notamment là que la notion d’exil est pertinente.
Se passer complètement de la notion de dignité dans l’analyse natale me semble poser problème, dans la mesure où cela peut effacer les privilèges ou obstacles que cette condition planétaire peut refléter. Mais la dignité essentielle par signe n’est pas la panacée de l’analyse astrologique, et certainement pas une mesure de l’éthique portée par la personne dont on étudie le thème. On ne peut pas affirmer en regardant un thème natal « Ah, cette personne a Mars dans tel signe, donc c’est une personne abusive » ou la variante « Cette personne est abusive parce qu’elle a tel placement natal ». Ces raccourcis sont extrêmement dangereux, et à mon humble avis n’aident absolument pas les survivant·es d’abus, au contraire. Je vous encourage donc vivement à résister à ce type de simplifications.
Si remettre en question les jugements manichéens parfois associés aux dignités en astrologie natale vous intéresse, je vous recommande également le travail de Pierre-Louis, notamment ce court article au sujet du Soleil.
Je me répète parce que c’est vraiment important : un placement dignifié d’un point de vue technique ne signifie pas que la personne dont c’est le thème est une « bonne » personne, dotée de plus de droiture, d’éthique ou de bienveillance. Jeter un coup d’oeil aux nativités d’un tueur en série, d’un dictateur ou d’un roi génocidaire peut rendre cela évident.
En dehors de considérations d’astrologie natale, qui requièrent énormément de nuance et de recul pour ne pas tomber dans un essentialisme crasse, on peut trouver les dignités par signe utiles dans d’autres branches. En astrologie horaire, où l’objectif de l’analyse du thème est de répondre à une question précise de manière la plus claire possible, évaluer la condition planétaire de manière plus tranchée peut s’avérer utile. Dans les traditions de magie astrologique talismanique, les dignités par signe sont aussi considérées comme cruciales ; avec un point de vue animiste, on considère alors qu’il s’agit de demander une faveur à la planète lorsqu’elle est le plus à l’aise, qu’elle a le plus de ressources à disposition, le plus de pouvoir exécutif.
Je ne détaille pas davantage chaque dignité ou difficulté en signe de chaque planète dans cet article pour ne pas l’allonger à l’excès, mais cela fera peut-être l’objet d’autres articles.
J’espère que cet article aura pu vous être utile. Les articles que je publie sur ce blog sont le fruit de beaucoup d’étude et de recherche bénévole pour rendre les connaissances astrologiques plus accessibles ; si vous souhaitez soutenir ce travail et si la perspective de contenus exclusifs (non publiés sur ce blog) vous intéresse, je vous encourage à aller voir ma page Patreon.
Si vous avez des remarques, questions, ou critiques constructives, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous !
Sources et références pour cet article :
- Hellenistic Astrology: The Study of Fate and Fortune, Chris Brennan
- Ancient Astrology in Theory and Practice, Vol. I, Demetra George
- On The Heavenly Spheres, Helena Avelar & Luis Ribeiro
- A Tiny Universe, Joy Usher
- The Horary Textbook, John Frawley
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