Astrologiser ou ne pas astrologiser, bis

Cet article fait en quelque sorte suite à celui intitulé « Astrologiser ou ne pas astrologiser » qui commençait ainsi :

Dans un contexte où l’on est encouragé à tout faire vite, à poster sur les réseaux sociaux très régulièrement et à fournir du contenu accrocheur, on voit souvent des personnes astrologiser une variété de thématiques – qu’il s’agisse de tweets spontanés, de posts Instagram plus poussés ou d’articles. Internet permet à une plus grande diversité de personnes de s’exprimer et d’accéder à une forme de légitimité en tant qu’astrologues, sans forcément avoir écrit un livre ou faire partie d’une association renommée, et je trouve que c’est une bonne chose ! J’aimerais toutefois traiter de certains problèmes qui peuvent émerger dans ce contexte, d’où le titre de cet article : astrologiser ou ne pas astrologiser ?

Ici, j’entends par « astrologiser » le fait d’appliquer une grille de lecture astrologique, de lire un évènement, une situation, une personne au prisme de l’astrologie ; dans le contexte de cet article, plutôt de manière publique. Il me semble évident que la plupart des personnes passionnées d’astrologie vont astrologiser tout et n’importe quoi en leur for intérieur, et du moment que ça n’affecte pas négativement leur vie et leurs relations, je n’y vois aucun problème ! Ce qui me questionne est la manière dont on partage publiquement des réflexions astrologiques.

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Ici, j’aimerais reprendre cette thématique de l’astrologisation, mais avec une perspective plus resserrée. Dans le premier article, j’ai surtout traité de ce que j’estime être les responsabilités en tant qu’astrologue (amateur·ice ou professionnel·le) vis-à-vis du collectif lorsque l’on « astrologise » quelque chose. Dans celui-ci, j’aimerais parler de ce qui peut se passer au niveau plus individuel. Bien sûr, en tant qu’animiste, parler d’individuel a ses limites ; comme je le souligne souvent, nous ne sommes pas des îles, on ne fait pas de choix dans un vacuum… Toutefois, on peut considérer que tandis que certains actes et discours sont publics, disséminés au collectif, activement interpersonnels en ce qui concerne les êtres humains, d’autres choses peuvent prendre place de manière discrète, interne. Ce que l’on publie sur un réseau social ou les documents administratifs que l’on signe ne sont pas tout à fait du même ordre qu’une pensée que l’on a en son for intérieur ou que l’on note dans un journal intime. Pourtant, cette dernière a son importance, notamment parce qu’elle pourra influer sur le reste de manière notable ! Donc, que se passe-t-il lorsque l’on astrologise sans forcément en discuter, ou publier à ce sujet ?

Lorsque l’on s’intéresse passionnément à l’astrologie, cette passion peut prendre beaucoup de place, surtout lorsque l’on se rend compte que l’on peut étudier tout et n’importe quoi au prisme de l’astrologie : sa propre vie et celles de ses ami·es, mais aussi ses groupes de musique préférés, l’histoire, la géopolitique, le temps qu’il fait, etc. J’ai évoqué cela au détour d’une phrase plus haut : « […] la plupart des personnes passionnées d’astrologie vont astrologiser tout et n’importe quoi en leur for intérieur, et du moment que ça n’affecte pas négativement leur vie et leurs relations, je n’y vois aucun problème ! »

Il y a quelque chose d’assez génial, en soi, au fait que l’on puisse apprendre simplement en vivant sa vie tout en en observant les transits astrologiques, notant au fur et à mesure les motifs qui se répètent, les signatures activées, etc. C’est même parfois un certain réconfort ou un « silver lining » lorsque quelque chose de difficile se produit, mais que l’on note à quel point c’est littéral pour l’astrologie du moment (cf le hashtag anglophone #astrologergood utilisés par des collègues pour ce genre d’occurrences).

Cependant, je pense que la dose fait le poison, et qu’il est tout à fait possible de saturer. J’ai déjà précédemment souligné l’importance d’avoir des pratiques qui permettent de s’ancrer dans le présent lorsque l’on pratique l’astrologie ou autre méthode divinatoire (cartomancie, etc) qui projette beaucoup dans le futur et dans le passé. Il s’agirait de garder les pieds sur terre ! Ici, j’aimerais aussi mettre en avant que si astrologiser appauvrit notre vocabulaire non-astrologique, c’est peut-être mauvais signe.

La Tour dans le Rider-Waite-Smith (source)

Bien sûr, il peut être précieux de discuter avec d’autres astrologues et de pouvoir expliciter un certain enjeu en faisant référence à une signature astrologique. Je vois aussi cela chez des cartomancien·nes, disant par exemple « C’était un moment Tour pour moi », où l’on comprendrait qu’il y avait un bouleversement majeur, une remise en question, un patatras plus ou moins soudain (des thématiques de l’arcane de la Tour). Mais est-il toujours aidant et vraiment nourrissant de communiquer avec des raccourcis astrologiques, quand l’astrologie est si vaste et qu’il en existe tant d’approches différentes ? (D’ailleurs, la remarque s’applique aussi dans une certaine mesure à la cartomancie, il me semble !)

Pour prendre un exemple concret, je pourrais dire « J’avais besoin de saturniser mon quotidien » pour décrire une certaine période de ma vie. Il n’est pas garanti que tout le monde l’entende de la même manière : cela dépend des connaissances astrologiques de la personne sur Saturne, de son propre vécu avec les enjeux saturniens… En l’occurrence, s’il ne fallait faire qu’une phrase, peut-être qu’il serait plus clair de dire « J’avais besoin de ralentir et de structurer mon quotidien ». Dans le contexte d’une discussion plus longue, où j’ai déjà balisé de quoi il s’agissait, peut-être qu’ajouter cette tournure de phrase astrologique peut être intéressant et utile, mais sinon, ça me semble potentiellement limitant, et pas de manière constructive.

Outre le fait que ça n’encourage pas à affiner ce que l’on souhaite exprimer dans un certain nombre de cas, je pense qu’utiliser à l’excès des tournures astrologiques risque de renforcer des idées reçues que l’on a sur des planètes (ou autres constituants de l’astrologie). En effet, l’image que je me faisais de tel astre il y a 3 ans a depuis probablement bien évolué, à l’aune de ce que j’ai pu observer, étudier, vivre depuis. En résumant une expérience par un placement ou un transit, il y a le risque aussi, en filigrane, de résumer ces placements ou ce transit à cette expérience.

Pour reprendre le néologisme utilisé plus haut de « saturniser », par exemple, je pense qu’on pourrait lui donner beaucoup d’autres sens que celui de « ralentir et structurer » :

  • limiter
  • contraindre
  • rendre plus austère
  • réduire au silence
  • réprimer
  • apporter du sérieux
  • fournir des efforts diligents sur le long terme
  • noircir
  • teinter de pessimisme
  • apporter de l’ancienneté, vieillir
  • assécher

(Ce ne sont que quelques suggestions qui me sont venues en une minute, et on pourrait en faire beaucoup d’autres — n’hésitez pas d’ailleurs à laisser les vôtres en commentaires si vous le souhaitez !)

Je trouve que cela illustre le problème que je soulève : de douze possibilités différentes, laquelle faut-il comprendre si quelqu’un utilise le terme de « saturniser » ? Le contexte est-il suffisant pour en saisir la nuance requise à une bonne compréhension de l’emploi du mot, mais aussi, l’emploi du mot ici fait-il suffisamment justice aux nuances présentes dans la sphère de Saturne ? Si ça ne serait pas nécessairement clair pour quelqu’un d’autre, est-ce que ça l’est pour moi ?

Peut-être, me direz-vous, peut-on prendre ne pas prendre terriblement au sérieux le moindre mot que l’on prononce ou que l’on pense pour soi-même. Et bien sûr, cela aussi me semble contextuel ! Mais je pense tout de même intéressant de garder en tête que les mots ont un pouvoir, a fortiori les mots que l’on (se) répète encore et encore. Si l’on a tendance à baigner dans des considérations astrologiques en permanence, intentionnellement essayer de décrire avec des termes non-astrologiques ce que l’on exprimerait spontanément via l’astrologie me semble vraiment avisé, non seulement pour sa qualité de vie en général, mais aussi pour cultiver une relation plus fonctionnelle à l’astrologie.

Je suis curieux des impressions d’autres personnes sur cette thématique ! N’hésitez pas à me faire part de ce que vous en pensez en commentaires, si vous le souhaitez.


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4 réflexions sur “Astrologiser ou ne pas astrologiser, bis

  1. Merci pour cet article, en effet, comme j’ai à la naissance Soleil fin Poissons en maison 8 et tout début Bélier Noeud Nord Chiron Lune (paquet opposé à Noeud Sud Jupiter Uranus), et que Neptune transite ce Soleil natal puis va bientôt aussi transiter tout le reste début Bélier toujours en maison 8, je vis une mise en jachère de dissolution « dit-on » qui permet de m’ouvrir aussi à être sans étiquette aucune donc être totalement ouverte, océanique ou céleste (ciel et océan je les place dans le même gabarit), mais ce n’est pas facile à vivre car nos sociétés/familles demandent voire exigent à ce que chacun.e porte ses étiquettes avec responsabilité (Saturne) créativité quelquefois (Uranus) et gusto, enthousiasme (Jupiter) sans parler de mutation, transmutation (Pluton) par exemple! Je sais que je suis en cours d’en finir avec une maternité (fille qui aura 18 ans à l’automne) voire aussi de clore un visuel global de parentalité diverse et variée via tout ce qui se passe dans notre société elle-même marquée par des cycles. Un astrologue que j’avais consulté en 2019 était ravi que je passe un certain temps avec Neptune conjoint Soleil; il est vrai qu’il fait toujours référence à des grands sages voire des prophètes qui sont comme l’indique Madame de Souzenelle, ceux qui plongent profondément dans les cieux intérieurs, qui vivent le retournement complet, qui intègrent l’ombre en la mettant en lumière mais pas qu’une partie d’ombre illuminée par une lampe torche, c’est beaucoup plus puisque c’est total et ainsi le Prophète peut voir en Présence illimitée (pas en conscience puisque la conscience peut indiquer encore une dualité) les trois temps et au delà car tout est relié, intertissé, intersymphonique, un patchwork parfait de cycles astrologiques interplanétaires, n’est ce pas…

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    • Merci pour votre retour ! Je vous rejoins sur le fait de faire le pont entre ciel et océan. Et en effet, ce contact avec l’immensité n’est pas toujours facile à naviguer !

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  2. J’apprécie énormément de lire votre cheminement astrologique.Je baigne (soleil en poisson) dans l’astrologie depuis que j’ai 15 ans et je vais sur mes 60 ..

    mon père avait fait faire mon thème astral avec des prévisions sur 10 ans .Il y avait juste une feuille d’un côté le thème astral et au verso les prévisions .j’avais 15 ans donc jusqu’ à mes 25 ans ,

    une phrase ou un mot par année, pratiquement toute les prévisions étaient exactes : année de grands voyages , année de la naissance de mon fils etc,.. donc ça c’était impressionnant ! mais les prévisions qui m’ont le plus marqué , même traumatisé c’est une rupture (qui n’a pas eu lieu )et un handicap pour un proche ( j’ai compris plus tard que c’était l’hémiplégie de mon père )

    toute ma vie j’ai pensé et me suis inquiété de ces 2 événements qui n’ont pas eu lieu en tout cas pas pour la personne que je pensais , j’espère que c’est pas trop embrouillé !

    En faisant de la prévisions astro pour des personnes j’ai compris à quelle point l’art de la prévision astrologique ou de la cartomancie est délicat et combien ce qu’on annonce à la personne peut interférer dans sa conscience et dans sa vie parce que je l’ai moi même vécu…

    Je n’ai jamais rencontré l’astrologue qui m’avait fait le thème ,je l’ai contacté pour savoir quelle technique elle avait utilisé pour les prévisions ,elle m’avait répondu les directions primaires .

    Encas tout cette astrologue a eu une influence anxiogène dans ma vie ,c’est certainement cette anxiété qui a été un moteur pour l’étude de l’astrologie encore maintenant ….Ma conclusion est que pour les consultants

    l’astrologue est souvent plus important que l’astrologie .

    Merci pour vos réflexions et articles sur l’astrologie

    Fabe

    Merci pour vos articles 👍

    Fabe

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    • Merci beaucoup pour votre retour ! Je suis navré que ces prédictions astrologiques aient eu un tel impact anxiogène pour vous, c’est vraiment si dommage. Cela ne fait que renforcer ma conviction qu’il est crucial d’avoir de bonnes balises éthiques lorsque l’on pratique l’astrologie, afin de faire de son mieux pour, en premier lieu, ne pas nuire ! Et en effet, je pense que cela passe avant des considérations techniques. Je vois la consultation astrologique comme un dialogue co-créatif, et je me sentirais personnellement pas à l’aise de délivrer des prédictions sans aucun contexte, à une personne avec qui je n’ai pas échangé, a fortiori une personne mineure. J’espère qu’aujourd’hui vos expériences avec l’astrologie peuvent être plus apaisées ! Merci encore d’avoir pris le temps de commenter et partager votre vécu.

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