Le 15 mai 2024, j’ai eu l’occasion d’interviewer l’artiste XM Tran. Cela faisait un moment que j’admirais ses créations, et j’avais eu l’immense plaisir de participer à un atelier en ligne pour apprendre le caviardage quelque temps auparavant. J’ai particulièrement adoré ses linogravures autour des signes du zodiaque, et je lui ai proposé d’en discuter ensemble, pour en faire un article ensuite. Vous pouvez retrouver cette conversation sous forme orale sur le podcast de XM, La Mousson, ici. J’ai tant apprécié de discuter avec XM de sujets que je trouve passionnants : les pratiques artistiques, le lien aux ancêtres, la représentation en tant que personne marginalisée…
L’interview a été éditée pour la lisibilité et la longueur. J’ai essayé d’inclure les liens vers les ressources citées aussi souvent que possible, et d’agrémenter les paragraphes avec des images dont on parle (avantages nets de l’écrit sur le format podcast). Toutes les notes ajoutées au dialogue sont entre crochets et en italiques pour faciliter la compréhension, [comme ceci]. J’espère que la lecture de cet entretien vous plaira ; n’hésitez pas à faire part de vos impressions en commentaires !
Azur : Salut XM ! Est-ce que tu peux te présenter et parler de ton travail pour commencer ?
XM : Je m’appelle XM, je travaille, je fais de l’art – c’est un peu pompeux, “artiste”, mais techniquement, c’est ce que je suis, et mon travail peut se caler sur deux techniques particulières : la linogravure et le caviardage ; même si je n’exclus pas d’utiliser des techniques adjacentes, globalement, c’est ça que j’utilise.

Peut-être qu’il y a des personnes qui me connaissent sous le nom de @queer.dartichaut, un compte Instagram que j’avais lancé quand on s’ennuyait tou·tes en 2020. À la base, c’était un compte militant de vulgarisation, de pédagogie, parce que j’étais beaucoup dans ces milieux-là, notamment queers et antiracistes, à l’époque. Et bon, “Queer d’artichaut”, ça permettait de faire un jeu de mots assez marquant. C’était plus rigolo qu’autre chose, j’avais commencé les créations en faisant des jeux de mots, notamment avec le mot phở, donc la soupe vietnamienne, par exemple, “Au phở les policiers”, il y avait plein de petits jeux de mots… On s’amusait bien à l’époque quand même [rires].
Après, j’ai commencé à faire de la linogravure un peu plus régulièrement et à avoir envie de toucher à des thématiques un peu plus intimes, un peu plus profondes, que juste des jeux de mots et du militantisme, même si c’est super et important, mais voilà. Ces deux dernières années, je travaille beaucoup sur la question de la mémoire, la question des représentations de nos exils – mon père est un exilé vietnamien – ce sont des questions qui me touchent particulièrement, les questions dans cette réalité, de comment est-ce qu’on raconte nos histoires ; nos petites histoires familiales, comment elles s’insèrent aussi dans la grande histoire, notamment de la colonisation.
Voilà, je n’ai pas arrêté de travailler sur les questions queers, les questions de représentation, de comment on représente nos corps dans l’art, de ce qu’on s’invente comme futurs queers, mais ce n’est plus le seul focus. Et ce n’est plus par le biais de l’humour ; aujourd’hui, ce n’est plus trop le l’angle par lequel j’aborde ces thématiques. J’avais envie de faire grandir ce compte et cette pratique et il y a un moment où il a été nécessaire que je change le nom pour refléter cette direction-là, d’où le fait que j’ai voulu utiliser mon prénom et mon nom [XM Tran] pour mon compte. […]
Azur : Très cool, c’était super intéressant d’avoir ces explications sur ce changement de nom et du coup, félicitations ! Est-ce qu’il y avait autre chose que tu voulais dire par rapport à ton travail, ta présentation et comment tu approches ces activités artistiques ?
XM : Alors, les deux techniques artistiques que j’utilise, c’est le caviardage et la linogravure, et ces deux techniques ont des historiques, des passés, militants. Et c’est pour ça que je les utilise comme support, ce n’est pas juste parce que c’est joli, mais c’est aussi parce qu’elles ont vraiment un passé historique assez marquant.
La linogravure, c’est de la gravure sur linoléum, qui est un matériau de construction qui date de la fin du 19ème siècle et qui a été une source d’inspiration pour les artistes en Europe au début du 20ème, pour commencer à graver sur des matériaux qui sont beaucoup plus souples que le bois, puisque sa base c’est l’huile de lin – d’où “linoléum”.
Et donc notamment, on a eu des artistes comme Picasso et Matisse, qui se sont emparés de ce médium et qui ont beaucoup fait avancer cette technique, mais qui sont par ailleurs d’affreux personnages, n’est-ce pas… Et à ce moment-là, il y avait aussi une autre vague de linogravure qui était plus dans des contextes militants, parce que ça permettait d’imprimer des informations, des visuelles de manière répétée, de manière un peu à la chaîne, disons pour l’époque, en tout cas, sans passer par les imprimeurs d’état. Et donc on pouvait imprimer des tracts, on pouvait imprimer des appels à manifester, des affiches, etc. sans se faire avoir par la censure d’État. Et donc, on en a eu beaucoup vers mai 68, par exemple, pour les droits sociaux en France.
Il y a eu aussi énormément de linogravures qui ont été produites au Mexique pendant la révolution mexicaine, les droits civiques aux États-Unis ont été aussi soutenus par les artistes en linogravure – et ça, c’est quelques exemples. Il y en a plein d’autres, mais en tout cas, c’est une histoire militante qui infuse mon travail aussi, parce que je trouve ça important de continuer à honorer la technique pour ce qu’elle nous a apporté dans l’Histoire, et pas juste parce que c’est joli, et c’est facile.
Azur : Merci pour ces précisions – il y a tellement de choses dans ce que t’as dit, pour partir sur un truc astrologique, qui me font penser à Saturne et à Mars ; le rapport à l’histoire, à l’ancienneté et aussi à la censure, à la répression et au fait de prendre position. Et en même temps on parle de quelque chose qui est très vénusien, enfin, c’est des arts… ! Enfin bref, je vais essayer de pas partir sur une énorme tangente astrologique [rires] surtout que je ne t’ai pas demandé si t’avais envie de parler de ton thème [natal], j’avais pas du tout prévu de partir là-dedans. Mais sur l’astrologie, justement, un des trucs dont j’avais envie qu’on discute, c’était une série que tu as faite sur les signes astrologiques, de linogravures que je trouve magnifiques. Et du coup, je peux laisser un peu présenter cette série et en dire plus ?
XM : D’accord, alors, pour répondre juste sur la question de mon thème, je suis Poissons Ascendant Lion, Lune en Lion, et le reste, je le garde pour moi, voilà [rires] c’est déjà beaucoup.
Azur : [rires] Carrément !
XM : C’est déjà pas mal ! Alors, j’ai juste pas fini sur le caviardage, je me permets, tant qu’on y est.
Azur : Bien sûr, vas-y !
XM : Le caviardage c’est aussi une technique qui a été développée plutôt il y a 200 ans, pour le coup, donc c’est un peu plus vieux que la linogravure, et qui a été développée en Russie pour contrer la censure d’État russe. L’idée, c’est de marquer à l’encre noire des parties d’un texte déjà écrit pour faire ressortir un autre texte qui n’a rien à voir. L’État russe utilisait cette méthode pour faire de la censure, et les artistes russes se sont réapproprié cette technique pour faire de l’art à partir de textes préexistants. Et donc c’est une technique qui a quand même une histoire politique et militante assez importante, même si aujourd’hui elle est ré-utilisée par énormément d’artistes pour faire de la poésie qui parfois n’a rien à voir avec la politique – comme la linogravure. En fait, on peut faire des dessins de poissons sans avoir aucun rapport avec l’histoire militante, mais en tout cas moi encore une fois, ça me tient à cœur d’honorer aussi cette technique-là et son histoire et c’est pour ça que je l’utilise aussi en conjonction avec la linogravure pour parler de sujets, notamment queers, décoloniaux, etc.

XM : Pour la série de signes astrologiques, la genèse de ce projet, c’était de créer un Oracle basé sur l’astrologie, mais qui me permettrait de mettre en lien un pan de la culture occidentale avec un pan de la culture vietnamienne dont est originaire mon père. Donc l’idée, c’était de métisser, de mélanger, de faire un peu comme un puzzle de ce qui me parle dans une partie de ma culture du côté de ma mère et ce qui me parle dans une partie de ma culture du côté de mon père, pour faire mes propres représentations spirituelles et communautaires. Et notamment pour me donner une raison de faire des recherches et de récupérer une partie de mon héritage vietnamien, sur lequel j’avais l’impression, au moment où j’ai commencé ce projet, d’avoir très peu de guides. C’est un projet qui est né de ça, de me dire : soit on a l’astrologie chinoise avec les signes du zodiaque chinois, soit on a l’astrologie – arrête-moi si je me trompe, mais… comment on dit… tropicale ? Mais qui est en fait occidentale, finalement, de ce que j’ai compris ?
Azur : Ouais… ouais, il y aurait beaucoup de choses là-dessus ! [rires] On appelle ça l’astrologie occidentale, parfois [surtout en anglais, “Western astrology”], mais en fait, c’est un melting-pot culturel qui a ses racines en Mésopotamie et en Grèce, donc en fait… Enfin – moi, la fondation de ma pratique, c’est l’astrologie qu’on appelle hellénistique et antique, dite hellénistique parce qu’elle était pratiquée à l’ère qu’on appelle hellénistique, mais en fait, ça a ses racines en Égypte, en Mésopotamie, entre autres… Je trouve qu’il peut y avoir un truc un peu dommage sur le fait de ne pas connaître l’histoire justement, de ce dont on hérite avec ça. Mais bref, parenthèse fermée, effectivement, l’astrologie qui est pratiquée par la plupart des personnes occidentales et qui est donc vue comme occidentale, ce n’est pas la même que l’astrologie Maya – enfin, il y en a toujours plusieurs, je pense aussi, il y a toujours une diversité énorme dans différentes formes d’astrologie… Mais en tous cas, c’est sûr que je pense que quand on a un héritage mixte, il peut y avoir ce truc : “Vers quoi je me dirige ?”, parce qu’en fait, ça ne va pas de soi.
XM : Complètement, surtout qu’il y avait aussi ce tiraillement en moi au moment où j’ai commencé ce projet de… Comment dire, le tiraillement entre l’identité queer et l’identité vietnamienne, ou, en tout cas vietnamo-descendante avec énormément de références aux spiritualités, l’astrologie, la tarologie, vraiment des arts un peu ancestraux d’ici, qui sont énormément répandues dans les communautés queers. Et ce truc de dire : mais en fait, cet art-là ne me ressemble pas tellement, quand je regarde le Tarot de Marseille, y a rien qui me parle en fait. Donc l’idée, c’était un peu de faire un truc qui me ressemble, tout simplement, avec ces contradictions, ces représentations un peu différentes, d’une spiritualité réinventée.
Azur : C’est super intéressant parce qu’on a discuté un peu en amont de si on parlait plus particulièrement d’une carte [de la série sur les signes du zodiaque] et je proposais celle des Poissons, et en fait je trouve ça… T’as mentionné que tu avais aussi le Soleil en Poissons, et ce dont tu parles, ça me fait penser aux deux poissons qui sont reliés, et ce… “push and pull”, je sais pas comment dire ça en français ! [rires] Et cette alliance de choses qui sont, à première vue peut-être, paradoxales, mais qui forment une alliance. C’est super intéressant ! Et du coup, est-ce que tu peux nous parler un peu plus de la carte des Poissons ?
XM : Oui, carrément. Alors, comme je suis Ascendant Lion, que j’adore parler de moi [rires], j’ai commencé par la carte des Poissons, j’ai commencé par mon propre signe Solaire. C’était la première carte, je ne savais pas trop où j’allais, c’était assez flou pour moi ce projet, mais il fallait se lancer donc je me suis lancé·e. Et dans cette carte, je voulais retrouver les symboles qu’on a dans le Tarot de Marseille avec les poissons, mais pas exactement tout à fait de la même manière, j’avais envie de remettre la Lune, la pleine Lune quand même, mais pas tout à fait au milieu, non plus. J’avais envie de décaler ces symboles-là et surtout, j’avais envie d’en faire une scène vietnamienne, donc j’ai choisi de représenter des poissons koï – des carpes du Vietnam qui sont beaucoup utilisées, notamment dans les temples bouddhistes au Vietnam, qui sont un symbole de résilience, parce que c’est un peu ce qu’on imagine pour le saumon en France : c’est un poisson qui remonte les rivières, qui a beaucoup de résilience, qui est à contre-courant tout le temps. Et la légende dit qu’à la fin de leur périple, lorsqu’ils remontent la cascade, Bouddha les attend et pour les remercier et les récompenser de leur résilience, les transforme en Dragons dorés. Donc voilà, c’est une légende qui est assez importante dans la mythologie vietnamienne, j’ai voulu représenter ça et j’avais envie de les mettre aussi dans un paysage de lotus, comme on voit sur la carte. La voilà [XM montre la carte à la caméra ; cf image ci-dessous].

Azur, en extase : Elle est si belle !
XM : Et donc j’avais envie de les mettre dans un paysage de lotus. Le lotus est très associé au Vietnam, à l’Asie du Sud-Est en général et c’est aussi une source de… comment dire… de problématiques familiales assez importantes chez moi, avec ma grand mère. Quand elle a immigré en France, elle a commencé à travailler dans un hôpital et ses ami·es, ses supérieur·es – l’entièreté de son entourage de travail – l’appelaient Fleur de Lotus… Parce que les gens sont racistes. Et donc c’est une des premières histoires familiales qui montre une souffrance liée au racisme, et qui est assez… facile à représenter. Parce que la colonisation, l’exil, tout ça, c’est quand même des traumatismes assez denses, disons. Mais voilà, remettre un pseudo à une personne, Fleur de Lotus, ou… comment elle s’appelle, celle qui avait appelé son… son serviteur asiatique “Grain de riz”, là… Comment elle s’appelle, non ça te dit rien ?
Azur: Non, mais je suis choqué du coup, waow.
XM : Ah, je sais plus… C’était passé sur BFM ou je ne sais pas quoi, bref, parce que son nom était trop compliqué à dire et du coup voilà, juste un nom un peu random hyper orientalisant, c’était plus simple. [Il s’agit d’Isabelle Balkany, voici la vidéo]
Donc bref, le lotus, dans ma famille, a une importance au-delà de la représentation symbolique et sacrée. Voilà, il y avait ça, et puis il y avait aussi un petit challenge technique que j’avais envie d’essayer sur cette carte, qui est qu’on passe du noir au blanc ou blanc sur noir, c’est en miroir. Et j’avais envie de m’essayer à cette technique-là qui n’est pas évidente-évidente en lino.
Azur : Ouais, je trouve vraiment la carte admirable à plus d’un titre. Au niveau technique, je suis épaté parce que j’ai… vaguement essayé de faire de la linogravure il y a quelques années [rires] – j’ai bien aimé, mais ce n’est pas la technique que j’ai été appelé le plus à approfondir… Mais du coup je pense que je me rends un petit peu plus compte, comparé à quelqu’un qui n’a jamais fait de lino, à quel point ça requiert vraiment des compétences affûtées de faire une carte comme ça.
J’aime beaucoup en savoir plus sur la genèse de cette carte, c’est trop chouette. Et c’est intéressant d’ailleurs, l’association au Lotus. J’y pensais pendant que t’en parlais, le signe des Poissons à la base il est lié à la constellation des Poissons – maintenant, ce n’est plus aligné [dans le zodiaque tropical], mais à l’origine du coup, c’est la constellation des deux poissons qui sont reliés par un cordon [marqué par l’étoile Al Rescha]. Mais dans cette région du ciel, pas très loin, il y a aussi le poisson qu’on appelle le Poisson Austral et l’étoile la plus connue, qui est une étoile assez importante dans le ciel, c’est Fomalhaut. Et dans des correspondances établies plus récemment par des personnes qui travaillent avec cette étoile d’un point de vue rituel [Kaitlin Coppock, de Sphere + Sundry], il y a le Lotus bleu et ce que je trouvais ça poétique, cette sorte de… trucs qui se rejoignent.
[Note : Par curiosité, j’ai regardé le thème du moment pour l’interview avec ma localisation pour référence. Mercure dirigeait l’Ascendant, en paran à Fomalhaut (!), et le Descendant était conjoint au degré projeté de Fomalhaut en orbe de 2° (!!). Le Soleil était aussi en paran à Fomalhaut. Par ailleurs, Mercure était en conjonction à l’étoile fixe Al Rescha, le fameux nœud qui rejoint les deux Poissons, cf image ci-dessous.]

XM : Aah, okay !
Azur : Je pourrais t’envoyer des ressources là-dessus si ça te tente de creuser.
XM : Grave ! Trop bien.
Azur : Trop cool, ouais, merci pour ces infos. Et du coup, j’ai vu que tu avais fait un calendrier avec les signes astrologiques ? J’imagine que maintenant, il n’y en a plus parce que de toute manière, on est bien avancé·es dans l’année [rires], mais je trouve ça quand même intéressant à mentionner pour que les gens puissent aller voir s’ils veulent parce que ouais, c’est vraiment vraiment très joli !
XM : Merci beaucoup. Oui, l’idée c’est que cette série, j’ai commencé par faire les 12 signes astrologiques, donc du Bélier aux Poissons, et donc une fois que j’en avais douze, c’était quand même l’occasion de faire un calendrier annuel.
Azur : Mh-mh !
XM : Pour célébrer d’avoir fini cette série qui m’a pris à peu près un an et demi à faire – c’était pas le seul projet que j’avais – l’idée, c’était d’en faire un par mois, et puis de les sortir au fur et à mesure des saisons qui passaient, sachant que j’avais pris un petit peu d’avance. Donc j’ai mis un an et demi à les sortir, et puis ça s’est bien goupillé parce que j’ai pu sortir en version calendrier en décembre : les douze signes pour l’année 2024.

Azur : Trop cool. Et tu me disais que cette série n’était pas tout à fait finie, parce que t’avais envie d’en faire plus. Donc dis-nous en plus !
XM : Alors douze signes, c’est bien pour un oracle, mais quand même, si on pouvait en avoir plus, ce serait super, et donc parce que je n’en ai jamais assez, j’ai décidé de faire deux autres séries qui se rattachent à cette première série. La deuxième série, ce sera les planètes et la troisième série, ce sera les maisons.
Chaque planète, incluant la terre, sera reliée à un conte, une légende vietnamienne. J’ai travaillé avec une astrologue avec laquelle j’ai lu des contes ; on a décortiqué ça pour voir à quelle planète ça pouvait se rattacher et quel visuel on pouvait faire, pour que ça rappelle un peu la représentation planétaire de chaque étape. Et donc là, j’ai fini le projet planète. Mais je n’ai pas encore tout dessiné, j’ai dessiné la moitié et je n’ai rien gravé pour l’instant. Voilà, ça va arriver à partir de la rentrée 2024, donc en septembre, ça devrait commencer à arriver. J’ai déjà fait le Soleil, c’est déjà sur ma boutique, mais sinon les autres, c’est pas du tout fait encore.
Et l’idée des contes et légendes, c’est que mes parents ont déménagé ce mois-ci de ma maison d’enfance, donc ça fait des mois qu’on vide la maison peu à peu et de manière assez intense ; j’habite à 300 kilomètres de chez mes parents, donc quand j’y vais, c’est deux jours de déménagement, donc vider, trier, aller à la déchetterie, etc. Et en fait, c’est ce que je disais tout à l’heure, moi j’ai l’impression d’avoir grandi avec très peu de représentations et de cultures vietnamiennes, et je pense que ça, voilà, c’est un peu la malédiction de l’exil… Et en triant mes affaires, je me suis rendu compte que j’avais quatre, cinq, six bouquins, soit vietnamiens, soit en français, de contes et de légendes vietnamiennes pour enfants. Et donc en fait, j’ai grandi avec ces légendes-là que j’avais complètement occultées, pourtant les livres sont très abîmés, donc je les ai lus, c’est sûr, mais je me suis retrouvée avec des bouquins que j’avais l’impression d’avoir jamais feuilletés… Et en fait, c’est sûr que je les ai lus, il y a des petites annotations…Je me suis dit que c’était l’occasion de réétudier ces textes avec un angle spécifique, et là, en l’occurrence, c’était les planètes en astrologie, pour me les réapproprier, pour en faire des œuvres visuelles aussi. Et voilà, c’était très chouette – ça prend énormément de temps à faire – mais c’est un autre moyen de lire… en ayant vraiment une lecture un peu affûtée quoi, pas juste lire un conte pour lire un conte… Mais c’était assez chouette à faire, voilà, j’espère que ça te plaira.
Azur : J’ai trop hâte ! Mes encouragements du coup, pour tout ça c’est tellement tellement cool comme projet. J’ai vraiment hâte de voir l’oracle, c’est génial. C’est déjà tellement cool d’avoir les signes, mais en plus de savoir que les planètes et les maisons arrivent… ! Je me réjouis beaucoup. Je voulais te demander aussi de parler des ateliers que tu fais, j’ai eu la chance de participer à un atelier en ligne de caviardage et c’était vraiment génial, du coup je voulais te demander d’en dire plus.
XM : Déjà merci, ça me fait trop plaisir que ça t’ait fait du bien. Oui, donc il y a une grosse partie de ma pratique qui passe par la transmission. Je crois que la transmission, c’est une manière de continuer à partager mes projets de manière militante, puisque proposer à d’autres d’avoir des espaces de soins, d’avoir des espaces de création, d’avoir des espaces d’apprentissage de technique, je crois que c’est c’est hyper militant, en fait, donc moi c’est un endroit où j’essaye, en tout cas, d’investir ces techniques-là pour les partager, sans faire de gatekeeping comme ça a été fait par les imprimeurs, par exemple. Faut pas dire ça aux imprimeurs officiels de Nantes, parce que peut-être un jour, j’aurais une chance de travailler avec eux [rires] mais en tout cas, eux, ils sont moins dans la transmission, et moi je trouve ça quand même important, surtout pour des techniques qui sont de base populaire, et qui ne sont pas des techniques réservées aux artistes, en fait, pas à une élite qu’on s’imagine. Le caviardage, la linogravure, arracher des pages de bouquin, c’est toujours… C’est aussi pour le peuple, quoi.
Donc voilà, je trouve ça important de transmettre. En plus, j’adore ça aussi ! J’adore passer du temps avec des nouvelles personnes, apprendre d’autres personnes – parce que c’est pas parce que j’en fais depuis six ans que j’ai tout compris ! Des fois j’ai des personnes qui arrivent pour la première fois pour faire la linogravure, et qui trouvent des techniques en 14 secondes, alors que moi je n’avais jamais pensé à ça, et c’est hyper enrichissant d’avoir un peu cette naïveté créative qui fait que tu n’as pas de barrières, tu te restreins pas à ce qui existe déjà, puisque tu n’as pas de connaissances dessus. Et puis j’adore voir grandir artistiquement les personnes que je suis sur plusieurs ateliers et qui vont aussi me challenger, moi dans mes techniques. J’adore ça, je trouve ça intéressant politiquement aussi, et ça me permet de rencontrer plein de monde en plus, c’est chouette.
J’ai plusieurs formats d’atelier. Évidemment, il y a des ateliers tout simples d’apprentissage de la technique… Notamment là ça va arriver, je commence à faire des ateliers de textile, on va pouvoir faire de la linogravure sur textile. Ça fait cinq ans que je teste des trucs sur textile, et j’ai enfin compris comment ça fonctionne !
Azur : Trop bien, bravo pour ta persévérance ! Trop cool.
XM : J’ai failli abandonner plusieurs fois, je me suis vraiment énervé·e beaucoup, mais je crois que c’est bon là, et je vais commencer à les lancer à partir de juillet [il y a effectivement eu les premiers ateliers lino sur textile en juillet 2024 !], ça va être cool… Et donc il y a des ateliers vraiment techniques sur comment est-ce qu’on gère les couleurs, les gravures, tout simplement… Des ateliers de caviardage aussi, que je fais aussi en ligne parce que ça se prête bien à ce format.
Et un atelier dont j’avais envie de te parler, c’est l’atelier de connexion aux ancêtres que je propose deux ou trois fois par an mais pas beaucoup plus, parce que c’est un atelier qui prend beaucoup d’énergie. C’est un atelier qui est vraiment ancré dans une sorte de lien, de connexion, qu’on va faire avec des personnes qui ne sont plus avec nous. Quand je dis ancêtres, c’est assez large, ça peut être les grands parents, bien sûr, les ancêtres de sang, etc, mais ça peut être aussi des personnes avec lesquelles on a grandi, qui nous ont formé·es, ça peut être aussi des ancêtres dans le contexte des personnes queers, des ancêtres queers qui ont pavé le chemin avant nous.
Azur : Des ancêtres d’affinité.
XM : Exactement ouais, et puis ça peut être aussi des personnes qui ne sont plus là parce qu’elles sont décédées “trop tôt” ; des ami·es… L’idée d’ancêtres, dans la représentation que je me fais, dans la représentation qu’on a dans la culture vietnamienne, quand on dit autel des ancêtres, c’est pas forcément juste la génération du dessus et celle du dessus [parents et grand-parents, ou grand-parents et arrière-grand-parents], c’est aussi toutes les personnes qui sont décédées et qui nous ont formé·es.
L’idée, c’est de connecter aux ancêtres, mais à partir d’un rituel réinventé qui m’a été transmis par mon père, qui lui-même l’avait déjà réinventé de sa mère. Donc pour moi, c’est vraiment une représentation de la culture de la diaspora, qui est ni tout à fait la tradition, ni tout à fait l’assimilation. On est un peu dans une espèce d’entre-deux qui est typique des populations de deuxième, troisième génération d’exilé·es.
Et donc le rituel traditionnel, ça va être de brûler des papiers votifs, comme on appelle ça : c’est des papiers d’encens qu’on va brûler et qu’on va faire parvenir aux ancêtres en les brûlant. C’est déjà une tradition qui est décriée par certaines personnes bouddhistes au Vietnam, parce que… c’est païen, en fait, c’est pas bouddhiste, c’est le culte des ancêtres comme rituel païen, donc voilà, c’est déjà hors du système religieux.
Azur : Ouais, c’est pas exotérique.
XM : C’est ça. Et ensuite mon père a ré-utilisé ce truc là, mais sans vraiment faire un rituel en lien avec l’autel des ancêtres, plus comme une espèce de voeu, comme on fait un vœu quand on souffle nos bougies d’anniversaire, c’est un peu ce truc-là… Envoyer à l’univers. Et moi j’avais utilisé ce truc-là pour faire de la linogravure sur les papiers votifs et ensuite envoyer un message par l’estampe, qui est envoyée en la brûlant. Voilà donc chacun un peu ces petites pratiques : on s’arrange avec ce qu’on veut.
L’idée, c’est de proposer un espace de connexion. En général, j’ai six participant·es et moi, et on crée une linogravure, chacun·e de son côté, tout en se parlant – pour faire du lien, pour un peu se raconter nos histoires de famille, etc, pour les personnes qui le veulent. Et ensuite, on brûle ensemble devant un autel, construit de manière collective, ces vœux-messages aux ancêtres.
C’est un atelier qui me tient beaucoup à cœur, parce que je crois que ça a été un moyen aussi pour moi de me reconnecter à cette partie ancestrale et ça fait partie de… comment dire… dans une espèce d’envie, de quête d’identité. En même temps, de ne pas me sentir hyper relié aux techniques traditionnelles… voilà, il y avait tout un truc de… j’avais envie de faire ma propre sauce. J’essaye de ne pas en faire trop, parce que ça me prend une énergie incroyable. Mais j’ai eu la chance de faire ça dans des espaces hyper chouettes, notamment dans des restaurants ou des espaces dédiés à la culture vietnamienne, qui m’ont accueilli avec tellement de bienveillance. C’est très très chouette, alors que je propose quelque chose qui n’est pas du tout traditionnel, donc ça m’a fait beaucoup de bien de faire ça là-bas, j’ai aussi fait ça dans des espaces queers racisés très fermés, donc vraiment en non-mixité… Récemment j’ai fait aussi au Café Contresort quelques sessions et c’était vraiment chouette d’être entouré·e de personnes qui ont un rapport à la spiritualité qui est proche de la mienne.
Azur : Trop cool. Ça a l’air vraiment fort, et je comprends que t’en fasse pas très souvent parce que c’est assez prenant ce genre de travail. Je suis interpellé à quel point c’est une belle illustration du soleil en maison 8 en Signes Entiers [XM a mentionné être Ascendant Lion et Soleil en Poissons, ce qui place son Soleil en maison 8 en Signes Entiers], la maison des ancêtres, et notamment des grands-parents, particulièrement… Enfin bref — merci, merci pour ce partage.
Je voulais aussi te demander où est-ce que les gens peuvent te retrouver, où est-ce que c’est possible de prendre rendez-vous pour ces ateliers-là… Plug yourself! [rires]
XM : Je suis très actif·ve sur Instagram, donc @xmtran.art, et je suis aussi sur Tiktok quand j’ai le temps, donc pareil @xmtran.art. Sinon sur mon Linktree, vous avez tous les liens qui sont référencés, et notamment des réservations dans les ateliers à Nantes, à Paris ou en ligne, et vous procurer des linogravures si jamais il y a des petits coups de coeurs, c’est possible… Sinon je viens de temps en temps faire des événements, notamment à Paris, à Nantes… Enfin ça dépend, là je vais à Rennes ce week-end. Ma prochaine venue à Paris, c’est le 15 juin pour le Ici Vietnam festival.
Azur : Trop cool, merci beaucoup ! Une autre demande que j’avais pour toi, c’est s’il y avait des trucs que tu voulais recommander, des ressources…
XM : Alors j’ai des 1 million de ressources, mais en fait, il faut regarder mes Stories [sur Instagram] parce que j’en ai trop… Mais déjà je m’autoplug sur les ressources, parce que j’ai un podcast immersif qui s’appelle La Mousson.
Azur : Je ne savais pas ! Incroyable !
XM : C’est un podcast immersif que j’ai commencé quand je suis parti·e pour la première fois en tant qu’adulte au Vietnam, seul·e, l’année dernière, qui est basé sur mon journal intime. L’idée c’est de faire des créations sonores immersives pour faire comme si on était là-bas, quoi… Et comme si on était un peu dans ma tête, dans mon journal intime, donc c’est des extraits que j’ai écrits là-bas que j’ai remis en son. Donc ça c’est la première saison.
La deuxième saison, c’est des capsules sonores diverses et variées, sur plein de sujets différents, mais toujours dans cette idée d’avoir une création sonore immersive avec beaucoup d’effets, donc à écouter plutôt au casque. Et voilà de se faire des petites sessions d’une dizaine de minutes où on est vraiment dans un son.
Moi j’adore faire ça, c’est un peu mon hobby, je travaille un petit peu avec une radio qui s’appelle Jet FM à Nantes pour diffuser ces sons-là… Voilà donc ça, c’est La Mousson, et ensuite mes deux artistes qui m’ont beaucoup… comment dire, inspiré·e ? C’est un peu pompeux aussi, “inspiré·e”.
Azur : Non, ça va, moi, je vois ce que tu veux dire ! Y a pas de mots où on se dit “Ça sonne suffisamment humble”, faut juste y aller ! [rires]
XM : En tout cas, c’est deux artistes qui m’ont fait dire que c’était possible de parler des questions queers, asiat’, spirituelles, de connexion aux ancêtres, et d’être reconnu·e pour ça.
Parce que c’est toujours pareil : la représentation, c’est un peu le nerf de la guerre quand même… Et donc il y a Prune Phi, qui est artiste plasticienne, et qui fait notamment une installation qui parle de cette connexion aux ancêtres dans une perspective asio-futuriste. Voilà, il faut aller voir cette représentation, c’est incroyable.
Et je voulais aussi parler de Kianue, qui est donc une personne queer asio-descendante qui fait de la photo, de la poésie, de la perf’ et notamment aussi sur les questions d’asio-futurisme, qui parle de fantômes… C’est incroyable. Ces deux personnes parlent beaucoup d’ancestralité asiat’ et c’est les deux premières personnes qui m’ont donné envie de parler ces sujets-là autrement que juste dans mon journal intime, quoi.
Azur : Mh-mh. Trop trop cool. Génial, je suis trop content d’avoir la perspective d’écouter des capsules sonores que tu as faites. Trop bien, merci pour ces recommandations !
XM : Merci à toi d’avoir pris le temps de faire ça, et bon courage pour la retranscription ! [rires]
Azur : Avec plaisir ! Je pense que ce sera intéressant à revisiter. [Ça l’était !]
Merci d’avoir lu cet article ! Pour rappel, vous pouvez retrouver XM et son travail à ces différents endroits :
- Linktree
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